Soixante-neuf jours seul au phare de Tévennec, au nord du raz de Sein, Marc Pointud a vécu, du 27 février au 5 mai 2016, le quotidien des anciens gardiens de phare, absents du lieu depuis 1910. Il revient avec un livre superbe « Lumières sur Tévennec, les portes de l’enfer » (Coop Breiz, 2018).
L’envie de chevaucher ce monstre sculpté par des millénaires d’érosion, fait de « blocs empilés tels des dents pointées vers le ciel », Marc Pointud est allé la chercher, dit-il, au cœur de son adolescence. Le vague rêve d’affronter seul une nature sauvage s’est matérialisé dans un défi pour attirer l’attention générale sur les besoins financiers criants de la société nationale pour le patrimoine des phares et balises, dont il est le fondateur.
Se rencontrer soi-même
Le livre de bord du solitaire, jour après jour, c’est très naturellement du factuel. Gestes inlassablement répétés, tressant une ligne de vie. Pour la survie face aux éléments toujours menaçants, comme cette scélérate lame de fond un jour de beau temps, ou le piège d’une roche glissante. Mais l’adoption d’une routine c’est aussi « baliser le temps pour éviter la dérive mentale et permettre de se rencontrer soi-même ». Cela suppose, confie Marc, de « jouer le jeu, se laisser envahir par le lieu, se convertir à lui, tous sens en éveil ». Morceaux choisis.
Un domaine du "bruit permanent où le silence règne"
Comme à beaucoup d’ermites, la tentation s’est présentée à lui. « A toute heure du jour et de la nuit, la mer fait entendre sa présence. Les jours de grand calme sont rares. Mais elle est là, elle chuinte au pied des roches. La nuit, elle m’appelle. Je serai tenté d’y descendre, de voir ses phosphorescences dans l’obscurité, sa dentelle blanche qui se trémousse comme pour me provoquer. Mais je refuse cette emprise. Céder au chant des sirènes serait se mettre en danger… »