Titre : RESPIRE

Auteur : Niko TACKIAN

Nombre de pages : 275

Année : 2023

Éditeur : Le Livre de Poche

Aperçu :

Yoan est un primo romancier qui connaît un premier succès, suivi d’un flop. S’ensuit une plongée dans la déchéance physique et morale. Ne se supportant plus lui-même, il cède à la tentation d’une sortie de sa propre histoire pour redémarrer à zéro. C’est ce que lui propose une mystérieuse organisation secrète. Celle-ci, moyennant le versement d’une certaine somme, prend en charge l’organisation de l’évanouissement social de sa vie précédente et l’entrée dans une nouvelle existence y compris son entretien domestique sans limite de durée. Le basculement se fera par l’ingestion d’une pilule mystérieuse. Peu à peu, il va découvrir que son nouveau lieu de vie paradisiaque est une île d’où personne ne peut s’échapper. Son obsession à explorer l’envers du décor va le confronter à des découvertes étranges, puis inquiétantes. Cette obstination serait-elle son tendon d’Achille ?

Ce que je pense de l’intrigue :

Le début du roman concentre en une vingtaine de lignes une mise en situation du protagoniste le situant dans un contexte urbain et décrivant son état intérieur par le truchement de son occupation du moment. Le climat de son mal être résonne à la description des éléments extérieurs. Le contrat avec le lecteur est clair et sera respecté. La confrontation du protagoniste avec les éléments naturels et avec les autres personnages place Yoan face aux nombreuses facettes de ses parts d’ombre et de lumière, en un jeu fascinant de miroirs. Pulsions de vie et de mort sous-tendent la succession des épisodes, livrés dans des chapitres courts dont l’agencement nerveux soutient l’intérêt dramatique, d’un bout à l’autre du livre.

L’histoire est une longue errance de Yoan, ponctuée d’épisodes paroxystiques successifs, presque supérieurs en intensité au climax. Son objectif avoué est son évasion de l’île, corrigé par le récit qui le révèle surtout intéressé par la compréhension du système où il se trouve embarqué. Son besoin inconscient, disparaître, est sous-tendu par la faille intime d’une mésestime de soi. En ce sens, contrairement à un avis lu sur Google, la fin est logique. Illustrée par la fantasmagorie d’un inconscient du protagoniste qu’on devine au minimum tourmenté.

L’élément déclencheur intervient dès la fin du chapitre 1, qui décrit la vie d’avant de Yoan. S’ensuit la longue exposition du contexte, du cadre physique et des différents personnages. Cela dure jusqu’à la page 147, qui correspond à un deuxième pivot de l’intrigue : Yoan s’affranchit des règles de vie imposées sur l’île, en désobéissant à la discipline officielle du lieu. Un premier pivot de la narration a été, précédemment, constitué par la découverte du testament de Johny, prédécesseur de Yoan dans le rôle de détective qui lui a été attribué par l’organisation. Le climax débute page 256. Yoan découvre que son antagoniste lui est familier.

Ce que je pense du protagoniste :

Outre Yoan, les autres personnages sont surtout là pour que le protagoniste se révèle à lui-même. Le personnage féminin d’Etelle serait peut-être (c’est mon interprétation) la part féminine de lui-même. L’activité d’apnéiste de la jeune femme vient lui montrer qu’il étouffe dans sa vie et vient lui souffler l’injonction « respire ». Le procédé show don’t tell est remarquablement maîtrisé. La première page du roman donne le la et, jusqu’à la dernière ligne, Yoan demeure touchant de démesure dans son humanité. Dire qu’il a vendu son âme au diable serait un cliché. Plus finement, il a surtout abandonné son libre-arbitre. A ce titre, l’histoire a une dimension universelle.

Ce que je pense du style littéraire :

Un bel équilibre entre la narration et la création de l’univers. Celui-ci évolue jusqu’au bout. Les personnages sont brossés avec économie de détails et précision. Leurs dialogues sont sobres et au service de leur caractérisation et de l’avancée de l’intrigue. Les scènes sont bien documentées.

Note du commentateur :

Dans le but de ne pas tout dévoiler, ce « retour de lecture » est une version aussi expurgée que possible d’une fiche de lecture plus complète.